100 % création – Amandine Clerc Marie, le parfum des émotions, entre science et créativité

Aujourd’hui, 100% création est dédiée à l’univers mystérieux et fascinant de la parfumerie avec Amandine Clerc Marie. Pour cette parfumeuse, le métier est un subtil mélange de science, d’art, d’émotion et de transmission. Une passion qui ne s’épuise jamais, une quête constante de nouveautés, de sensations. Une manière de vivre, une façon d’apporter du bien-être aussi selon Amandine Clerc Marie.

Nous l’avons rencontrée lors de la Paris Design Week, dans la cour de l’hôtel de Sully, où elle a participé à la signature olfactive de l’installation « Folie olfactive », pensée pour influencer positivement les émotions. Une parenthèse bien-être parfumée à Paris pour Amandine Clerc Marie : « La création, c’est toute ma vie, parce que je crée des parfums, mais cela ne s’arrête pas là. C’est un état d’esprit, une manière de vivre. Cela ne s’arrête jamais. Je suis tout le temps en train de créer, que ce soit des parfums ou des ambiances chez moi, je ne peux pas m’en empêcher. Cela bouillonne à l’intérieur et cela ne s’arrête jamais. »

Parfumeuse principale chez DSM Firmenich, elle confie : « Parfumeur, avant tout, c’est traduire des histoires, des émotions en parfums. C’est se servir des matières premières qui sont à la disposition dans la palette du parfumeur pour provoquer des émotions et raconter des histoires olfactives. »

Née à Colombes, en région parisienne, Amandine Clerc Marie, après un baccalauréat scientifique, commence des études en médecine. Mais rapidement, son cœur la pousse vers un autre univers : celui du parfum. « C’est un domaine que je connaissais parce que ma maman travaillait chez Givaudan, une autre société de parfumerie. Elle n’était pas du tout parfumeuse, mais j’ai pu aller visiter les locaux et découvrir les labos de parfumerie. Là, j’ai compris qu’on pouvait créer des odeurs, les garder avec soi et les enfermer dans des petites bouteilles. J’ai trouvé cela magique. Depuis toute petite, je faisais des mixtures dans mon jardin, je mélange des pétales de fleurs, des épices, de la terre… Bref, j’ai toujours fait des mélanges et je me suis dit : mais c’est un métier . Cela a été une révélation », affirme-t-elle.

Pour Amandine Clerc Marie, la parfumerie est un art qui repose d’un côté sur la connaissance scientifique, avec la compréhension de la chimie des molécules, les techniques d’extraction, la stabilité des compositions, et de l’autre, la créativité, essentielle pour imaginer des fragrances uniques, évoquer des émotions et raconter des histoires. Amandine Clerc Marie maîtrise donc, avant tout, ses matières premières. « J’utilise des huiles essentielles comme la lavande, le patchouli, la rose, mais je suis obligée de travailler également avec des molécules. Les molécules, c’est ce qui va faire que le parfum dure dans le temps, la puissance, la modernité, le confort, tout le côté moderne. L’un ne marche sans l’autre. La recherche avance. Maintenant, nous avons accès à une nouvelle technologie chez DSM Firmenich qui s’appelle le Firgood. Cela nous permet d’extraire des matières premières naturelles comme la lavande ou la rose, comme avant, mais avec les méthodes traditionnelles d’extraction, on ne pouvait pas extraire les matériaux qui contenaient beaucoup d’eau, comme les fruits. Grâce à la technologie du Firgood, on arrive maintenant à avoir une essence de poire, de fraise et on peut même traiter les matières premières classiques de la parfumerie d’une manière différente, comme la vanille. Maintenant, nous avons une vanille Firgood qui nous amène des nouvelles facettes à la vanille. Cela nous permet aussi de faire parler les fleurs qui étaient dites ”muettes en parfum”, comme le muguet », explique-t-elle.

Pour la création d’une senteur, Amandine Clerc Marie pense, avant tout, à la formule : « Je n’ai pas forcément dans mon esprit la personne qui va porter le parfum. Ce serait trop réducteur. Je pense au parfum, à ses qualités techniques, aux volumes, au plaisir, à la puissance. Je suis, donc, vraiment axée sur mon parfum. Après, il trouve son public ou pas. Je pense vraiment le parfum d’une manière indépendante des personnes qui vont le porter. Je suis axée sur le côté technique, innovation, création, volume, diffusion et d’essayer de trouver toujours de nouvelles choses à dire, essayer de trouver de nouvelles associations. J’essaie, à chaque fois que je commence un projet ou un parfum, d’avoir une association inédite ou d’avoir un propos très fort, un accord très fort, olfactif. Ensuite, je travaille autour de l’esthétique, la diffusion. Mais je suis très centrée sur mon parfum. »

Installation Folie olfactive de la Paris Design Week 2025 © Cecile Pompeani

Amandine Clerc Marie commence souvent par des directives précises, pour définir l’univers, l’émotion ou le message à transmettre. La collaboration en équipe est essentielle pour affiner la composition, tester sa stabilité et l’ajuster, jusqu’à sa perfection. Le processus peut durer plusieurs mois, voire des années : « Il n’y a pas de règle. Cela peut commencer par un brief très classique, un brief marketing. On nous donne des images, ou cela peut aussi être uniquement travailler sur des associations inédites de matières premières jamais senties. Cela peut aussi être une rencontre, par exemple pour la marque Sisley. Madame d’Ornano m’avait fait envoyer un bouquet des roses de son jardin, et c’était le point de départ du projet. Il fallait recréer l’odeur de ces roses. C’est très varié. À partir du moment où je respecte les contraintes, parce qu’il y a des contraintes techniques, évidemment de couleur, de stabilité. Mais surtout des contraintes de conformité parce qu’on s’assure toujours que le parfum ne soit pas dangereux, évidemment. C’est mon cadre technique et à l’intérieur, j’ai une totale liberté. C’est au minimum deux ans pour créer un parfum. Le parfumeur, pendant ces deux ans, n’est pas seul. Il travaille en équipe. Nous sommes accompagnés d’évaluatrices, de commerciaux. Cela passe très vite, cela peut même être plus long quelques fois. Pour les parfums de niche, normalement, cela va plus vite. Mais pour les parfums où on nous demande des tests consommateurs, c’est au minimum deux ans. »

Folie olfactive sur la terrasse de l'Hôtel de Sully
Folie olfactive sur la terrasse de l’Hôtel de Sully © Cecile Pompeani

Quand Amandine Clerc Marie cherche à créer des compositions qui racontent une histoire, qui évoquent une atmosphère ou qui suscitent une émotion précise, elle doit, malgré la constitution de la formule, vérifier olfactivement le résultat. « C’est un métier de transmission, donc on apprend avec des maîtres parfumeurs et après, c’est selon ses goûts. On choisit ses matières premières préférées, mais il faut toujours essayer, parce que c’est très difficile de prévoir le résultat que vont donner les matières premières entre elles. C’est un métier empirique : on essaye, on fait peser la formule, après, on la sent. On ne peut pas se couper de ce côté empirique de la réalité. Quand on est parfumeur et qu’on commence à avoir de l’expérience, dans notre tête, évidemment, on imagine l’odeur de la formule qu’on est en train d’écrire, on le visualise dans notre tête. On essaie aussi de visualiser les volumes. Il y a plein de choses qui rentrent en jeu, mais on est obligé de vérifier olfactivement, de tremper la mouillette et de sentir, parce qu’il y a beaucoup de composés qui entrent en jeu dans la formule. Même si on essaye, tous, de faire des formules assez courtes, justement pour maîtriser les effets des matières premières, on ne peut jamais être sûr à 100% du résultat, même si avec l’expérience, on a de moins en moins de surprises. Mais c’est quelque chose qu’on est obligé de faire. »

La richesse du métier de parfumeur réside dans sa diversité. Pour Amandine Clerc Marie, il est important de se démarquer tout en restant cohérente avec l’identité de la marque ou du projet, à l’instar de l’installation de la Paris Design Week intitulée « Folie olfactive ».  « Pour créer ces parfums avec émotion, c’est un système, un outil informatique qui nous permet d’équilibrer notre formule, donc d’équilibrer les matières premières de manière à générer des émotions. Là, on est sur les émotions comme la sérénité et l’apaisement, ce sont vraiment des émotions positives. Et les neuroscientifiques ont constaté que selon l’équilibre qu’on mettait dans la formule, donc les dosages de matières premières entre elles, on arrivait à créer des émotions qui sont prouvées et qui sont analysées scientifiquement. L’idée, c’était de travailler l’équilibre de la formule, en plus des vertus très connues de certaines huiles essentielles. J’ai travaillé, dans ma formule, l’équilibre de mon parfum, les dosages de mes matières premières de manière à générer encore plus d’émotions de sérénité et de bien-être. »

Folie olfactive - parfum "je suis le chaos monde"
Folie olfactive – parfum “je suis le chaos monde” © Cecile Pompeani

Dans le métier de parfumeur, la maîtrise des techniques, la connaissance des matières premières, et la sensibilité olfactive se transmettent dans un processus de mentorat. Amandine Clerc Marie s’inscrit pleinement dans cette passation de connaissances et savoir-faire. « La transmission, pour moi, c’est essentiel parce que j’ai eu la chance d’avoir été formée par un maître parfumeur. Je considère qu’il est très important pour moi aussi de former les générations futures. C’est un métier, qui était à l’origine basé sur la transmission de père en fils, il s’est ouvert avec les écoles et donc c’est aussi à nous de garder ce côté transmission. On apprend les bases à l’école, mais après, il faut bien une dizaine d’années, après l’école, pour devenir parfumeur. Être accompagné, pour moi, c’est essentiel. Pour l’instant, j’ai eu une apprentie, nous sommes plusieurs à prendre des apprentis, on tourne comme cela, ils n’ont pas le même regard et le même apprentissage. C’est quelque chose qui se répète dans le temps. Je vais continuer » conclut-elle.

 

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